Cine-emotions

The Prodigies : film physique pour scénario creux

Adapté d'un roman des années 80, The Prodigies aborde l'isolement d'enfants aux pouvoirs étonnants, sous des effets graphiques saillants et une animation novatrice.




Imaginez-vous doté d'une intelligence surhumaine, du pouvoir de contrôler les autres par la force de l'esprit, de les transformer en marionnettes dépourvues de volonté, obéissant à vos ordres les plus fous… Ce don fascinant et terrible Jimbo Farrar le connaît bien car depuis son enfance, il le possède.
Brillant chercheur à la tête de la Fondation Killian pour enfants surdoués, très amoureux de sa femme Ann, Jimbo n'a qu'un but : trouver d'autres prodiges comme lui. Il imagine alors un jeu en ligne d'une complexité extrême et finit par découvrir cinq adolescents qu'il décide de réunir à New York.
Conscients de leur différence, isolés et incompris, ces prodiges se retrouvent un soir à Central Park. Enfin, ils ne sont plus seuls. Mais ils sont alors sauvagement agressés et leur destin bascule. Ignorés par la police, abandonnés par ceux qui devaient les protéger, en état de choc, ils déchaînent alors leurs pouvoirs avec une intelligence diabolique, éliminant sans laisser de trace ceux qui les ont trahis...




1981, date à laquelle le roman de Bernard Lenteric (décédé en 2009) paraît en France, salué par une critique enjoué. Sous le titre La Nuit des enfants rois, Lenteric raconte l'histoire d'enfants isolés de la société par des comportements anormaux qui finissent par se retourner contre cette dernière après avoir été victimes d'une agression. Marc Missonnier faisait partie de ceux qui ont pu apprécier le roman à l'époque de sa sortie, tout en étant encore enfant. Devenu producteur, il entreprend d'acheter les droits du roman pour une adaptation cinématographique, qui est confiée à Antoine Charreyron. La mise en image est complexe, car il fallait à la fois garder toute la violence interne du roman et exprimée dans les dessins, tout en gardant à l'esprit qu'un maximum de gens puissent le voir et l'apprécier aussi bien que la version papier. Le film démarre comme un coup de poing, au moins jusqu'à la première s'il fallait un peu généreux. La violence est présente, même si le sang à proprement parler tarde à faire son apparition et se fait le symbole d'une violence contenue. On comprend alors qu'un budget de 20 millions doit être rentabilisé, surtout si une possible suite se confirmait. Ce n'est pas l'ultra-violence d'un sujet comme celui-ci que les spectateurs se jetteraient dans les salles obscures. Le film bascule alors dans le fantastique, laissant le drame réaliste de côté et la violence qui va avec. Les enfants sont intelligents (comme dans le roman), mais se doublent aussi d'un pouvoir étonnant et destructeur : celui de pouvoir contrôler le corps des gens et d'en faire ce que l'on veut. Pourtant à la base, cette adaptation ne devait pas être un film d'animation, mais une fiction classique qui aurait pu s'apparenter au thriller coup de poing. Son côté animation futuriste lui donne un côté geek, puisque le graphisme multiplie les inspirations, de la peinture aux studios japonais et leurs mangas, sans oublier le coup de pinceau Marvel, tout en gardant l'esprit du Renaissance de Christian Volkman. The Prodigies joue aussi sur un argument jeu vidéo incontestable, puisqu'au-delà des strictes frontières du cinéma, Antoine Charreyron a travaillé sur des séquences cinématiques de Tomb Raider 6, Terminator 3 ou encore Donjons et Dragons, ou que Viktor Antonov (créateur de l'univers visuel) qui a gagné ses galons d'artiste sur Half Life 2.




Pourtant si physiquement The Prodigies semble avoir une allure plus que convaincante, les faits sont en réalité tout autre. Un manque de profondeur, malgré l'utilisation de la 3D, qui hormis lors d'une grande chute ne prouve son intérêt. Trop peu pour accrocher l'œil. Les lignes deviennent très vite répétitives, malgré une tentative de varier sur les ambiances, comme pour l'explosion de violence, sans choquer l'œil comme il devrait l'être dans la réalité. Outre ce côté physique qui arrive à être digérer au final, The Prodigies souffre d'un manque d'écriture sidérant. Citons par exemple le choix des prodigies, ces fameux enfants aux pouvoirs étonnants: ils sont tous clichés, chacun présentant une particularité qui nous laisse penser que le film a oublié de nettoyer sa présentation des personnages. Ainsi Gil américain métissé probablement émigrant (il vit dans une zone de mobiles homes délabrés) , issu d'un milieu défavorisé, perdu au milieu du Nouveau Mexique ; Liza, la jolie blonde dont la mère rêve qu'elle devienne Miss Amérique, qui sera durement touchée par l'agression ; Lee, la petite asiatique introvertie ; Harry, l'afro-américain qui vit dans le ghetto noir de Miami, agit en chef de famille à cause d'une mère irresponsable ; Sammy, l'obèse roux, dont les parents appartiennent au gotha new-yorkais auquel il ne peut s'identifier. En somme avec cette rapide présentation, on sent comme l'impression d'un vulgaire étiquetage des personnages pour nous faire avaler un choix scénaristique. « Regardez, j'ai mis de la diversité, parce qu'aujourd'hui c'est notre réalité ». Sauf qu'elle est cliché, sans sens réel. Puis il y a ce Jimbo, peut-être le personnage le plus poussé, celui qui va prendre conscience de ce pouvoir alors qu'il était jeune et se décide à réunir ces prodiges. A force de clichés et d'une dérive scénaristique assez manichéenne, The Prodigies perd lourdement en crédibilité pour venir se vautrer dans des chemins déjà bien boueux. Ce qui apparaissait à la base comme original n'est finalement que ramassis de cliché dans un exercice de style esthétique qui n'apporte rien si ce n'est que pour attirer le regard du spectateur curieux.


NOTE : 10 / 20




01/06/2011
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