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Mr. Nice : biopic anecdotique ou évasion des sens ?

Adapté d'une histoire vraie, Mr Nice entraîne son spectateur entre plaisir du sexe et de la fumette, complot politique et peinture sociale d'une Grande-Bretagne en pleine mutation.




À la fin des années 60, Howard Marks quitte son Pays de Galles natal pour la prestigieuse université d’Oxford, où il découvre les plaisirs des soirées psychédéliques. Pour rendre service, il s’improvise passeur de marijuana. Il y prend goût. S’appuyant sur ses amitiés dans les services secrets et avec un chef de l’IRA, il développe un réseau de transport de cannabis entre le Pakistan et Londres. Il se retrouve bientôt à la tête du plus grand trafic de marijuana d’Europe.
Howard Marks se fait alors appeler MR. NICE : un contrebandier non violent et plein d’humour, qui deviendra une figure de la contre-culture britannique.



Il est le baron de la drogue le plus sophistiqué de tous les temps selon le Daily Mail, une figure assez méconnu au-delà de la Manche pourtant. Le film est issu d'un best-seller autobiographique de Howard Marks, le fameux héros de ce film. Loin des clichés sur les cartels et trafics de drogues qui se trament dans le sang et la violence, Mr Nice propose une vision bien différente, celle aussi d'un personnage haut en couleur loin d'être comme les autres. En apparence gamin bien tranquille, bouc émissaire au collège parce qu'il est l'intello de la classe, Marks trouve une nouvelle vie à Oxford où il goûte aux plaisirs de l'évasion psychédélique avec un groupe d'amis, avant d'obtenir son diplôme et de faire une croix sur cette belle jeunesse hippie. Sauf que son passé le rattrape, et comme les plaisirs sont loin d'avoir disparu, il se met à dealer et tout cela fonctionne bien. Il entre alors dans un réseau complexe, où il doit à la fois être passeur de marijuana et de haschich, tout en étant un espion pour le brumeux MI6. Entre ses instants d'intimités où la stabilité n'est jamais très longue et les multiples procès dont il se sort parfois d'une façon miraculeuse, Mr Nice livre surtout une peinture sociale bien plus pertinente que l'histoire en elle-même, très anecdotique dans sa construction. En effet, c'est un tableau très vaste, qui couvre d'abord les inquiétudes d'après-guerre jusqu'à la révolution Pop et les débuts du psychédélisme au milieu des années 60 en Angleterre, qui touche avec force une jeunesse désabusée, qui lutte contre l'Establishment et trouve dans cette évasion des sens un moyen de s'exprimer. Marks en fait partie à sa façon d'ailleurs. Il est une constante et néanmoins amusante opposition au conservatisme si fort en Grande-Bretagne, notamment incarnée plus tard dans les années 80 par Margaret Thatcher. Enfin, sujet plus délicat, le film se décide à aborder le conflit irlandais avec l'IRA et un chef d'un humour décapant (Jim McCann, interprété par un toujours excellent David Thewlis qui joue également Lupin dans la saga Harry Potter), amateur de pornos et pile sur pattes. La force du film reste l'interprétation sans faille d'un Rhys Ifans (déjà dandy rock dans Good Morning England) qui continue à prouver qu'il est l'un des rois de la comédie à l'anglaise, noire, cynique, sociale, et en même temps réaliste, et agit ici avec beaucoup de charme et d'allure. Mais si la peinture semble idyllique et quelques sujets savoureusement bien avancés, Mr. Nice s'avère être un flot incessant d'informations et d'éléments sur l'histoire, au point qu'en décrocher reviendrait à plonger dans un ennui profond. Si on attend un humour décalé, ce n'est pas le film de Bernard Rose qui déclenchera l'hilarité générale, puisque son côté comique ressort plutôt sur l'ensemble de l'histoire. On le ressent tellement que c'est l'histoire qui finit par toucher le spectateur, plutôt que de la faire sourire. Paradoxalement, le film nous apparaît long et en même temps très condensé, au risque d'être très fouillis. On se délecte parfois de quelques jeux de mise en scène, comme démarrer le film en noir et blanc, comme s'il fallait rendre inévitablement hommage au British Humor qui explose après la Seconde Guerre mondiale avec notamment un certain Alec Guinness comme grande vedette à l'écran, ou encore ce choix de faire dans l'authenticité, en particulier grâce à la photographie, dont s'occupe également le réalisateur.


Confus et long sur son ensemble, Mr. Nice dépose avec une certaine grâce son petit message « cool » et amuse, touche son spectateur. Le point fort reste incontestablement Rhys Ifans et une interprétation qui tient sur toute la longueur, sans discontinuer.


NOTE : 12.5 / 20






19/04/2011
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