Cine-emotions

Philibert : le pastiche qui fait pschitt

Philibert, c'est une affiche old school et un film de cape et d'épée déguisé en pastiche et signé Sylvain Fusée, ayant pour résultat final une honte cinématographique, ou presque.




Royaume de France, 1550, en Bretagne. Philibert, robuste gaillard d'une vingtaine d'années, fils aîné d'un cultivateur d'artichauts, se démarque des autres garçons du village. Idéaliste, candide, il se prédit un avenir glorieux dans l'artichaut et préserve sa virginité pour celle qu'il ne connaît pas encore mais que Dieu lui destine. Avant de trépasser, son père lui apprend qu'il n'est pas son vrai père. Celui-ci était un gentilhomme, Fulgence Bérendourt de Saint-Avoise, lâchement assassiné par un Bourguignon avec une tache de vin en forme de rose dans le cou. Sa besace remplie d'idéaux et d'artichauts, Philibert quitte son village et galope vers la Bourgogne, accompagné de Martin son valet un peu fourbe. Le courage de Philibert, sa charité, sa pureté physique et morale seront ainsi mis à rude épreuve face à la bassesse et à la vénalité des vilains et la tentation des femmes plus libidineuses les unes que les autres...



Le pastiche est un genre très trompeur, n'en déplaise à Philibert. En effet, le pastiche doit tenter d'imiter une œuvre en s'en rapprochant le plus possible, au point de même tromper le spectateur qui ne sait plus où est la vérité. Sylvain Fusée (qui a travaillé sur Groland ou Les guignols de l'info) est formel : « Le défi était de pasticher les films de cape et d'épée sans tomber dans la parodie ». La parodie est en revanche une imitation caricaturale d'une œuvre donnée, et donc volontairement décalé et forcément distante par principe de l'originale. Philibert se perd dans ce petit détail de définition littéraire qui pour le spectateur n'a probablement pas sa place au cinéma. Effectivement, Philibert n'aurait lui-même jamais du voir le jour. Mais il a fallu la ténacité d'un scénariste, Jean-François Halin, à qui l'on doit notamment la résurrection au cinéma d'OSS 117 dans la peau de Dujardin. Sauf que le pauvre Jérémie Rénier (acteur fétiche des frères Dardenne, très mauvais en comédie par ailleurs) n'est pas Jean Dujardin, loin de là. Plus proche d'un Frank Dubosc (volontairement lui parodique) dans Cinéman, le jeune acteur belge ne trouve jamais le bon ton, n'amuse jamais, si ce n'est pour glaner quelques rires moqueurs du spectateur essayant de trouver la moindre faille pour dire que son petit investissement de plaisir n'est pas si inutile. Alexandre Astier, lui pourtant si habitué aux joutes comiques dans Kameloot n'arrive guère à prendre plus d'aura dans ce film où l'on attendait beaucoup de son humour, même s'il tient là le rôle d'un méchant. A cela on rajoute Manu Payet en valet d'un jour, en vogue en ce moment dans le cinéma français (RTT, L'amour à deux c'est mieux). A l'image d'un film très tendre, les dialogues qui sont sensés faire mouche dans le genre du pastiche, font pschitt et donne au film un côté théâtral mou et surjoué détestable.




Volontairement manichéen, pauvre dans les dialogues, ridicule dans les décors et les costumes, Philibert est une honte pathétique qui aurait pu être évité. On connait le passé français, très glorieux d'ailleurs, dans le genre du film de cape et d'épée, avec notamment La Tulipe noire, Le Bossu ou Thierry la Fronde pour ne citer qu'eux, films ou sagas de costumes à succès, aussi bien reconnu par la critique que par le public. En essayant de rendre hommage à ce genre, à le faire revivre dans un nouveau siècle fortement décidé à ne pas y remettre les pieds, Philibert s'écrase et se vautre dans une mare boueuse dont il ne se dépêtrera jamais ! Ce ne sont pas les pitreries d'un trio en collant moulant qui prêtent à sourire, ni même l'histoire simpliste à souhait et totalement hors de propos, car très mal interprétée, qui arriveront à satisfaire l'appétit du public. Sans vouloir offenser l'égo intérieur d'un spectateur qui se serait fait plaisir sur Philibert, lui trouvant de l'humour, du rythme et une vraie dimension de pastiche, c'est que tout ne doit pas tourner si rond et que le niveau comique doit lui être très bas pour apprécier une telle œuvre quand on sait que récemment d'autres véritables comédies ont fait rire le public. Ce n'est pas un manque de respect, mais un constat. On ne peut se satisfaire d'un si triste spectacle, même avec du second degrés. On ne peut également taxer un film de comique sur un ou deux détails à peine souriant, comme par exemple, le pieux Philibert prêt à se faire torturer (et quelle torture d'ailleurs !), accroché à une croix et qui en appelle à la lumière bienfaisante de Dieu. Ce genre de scène aurait peut-être gagné à rendre le film bien plus crédible qu'il ne l'est, si seulement elle ne se sentait pas si seul.


Pauvre, pathétique et sans intérêt, Philibert sera sans doute l'une des pires comédies de l'année et une erreur à vite effacer.


NOTE : 6 / 20





08/04/2011
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