Cine-emotions

Tomboy : une petite pépite d'un cinéma rare

En exposant la thématique du garçon et de l'enfant en quête d'identité, Cécile Sciamma signe avec Tomboy un film singulier, touchant et sans tabou.





Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu'elle est un garçon. Action ou vérité ? Action. L'été devient un grand terrain de jeu et Laure devient Michael, un garçon comme les autres… suffisamment différent pour attirer l'attention de Lisa qui en tombe amoureuse. Laure profite de sa nouvelle identité comme si la fin de l'été n'allait jamais révéler son troublant secret.


Titre énigmatique qui désigne en réalité un garçon manqué, Tomboy s'enfonce avec un ordinaire déconcertant pour témoigner d'un sujet qui nous apparaît si lointain, et pourtant. L'ordinaire commence avec l'arrivée de Laure et de sa famille dans un nouvel appartement au beau milieu d'un quartier très calme. L'action se déroule durant tout un été, de l'arrivée et les lentes prises de contact, à la veille d'une rentrée des classes où Laura doit finalement assumer son mensonge. Sans tomber dans un ennui palpable (les lieux sont régulièrement les mêmes, l'action peu rythmée), le film de Cécile Sciamma (déjà révélée au public en 2007 avec Naissance des pieuvres, qui évoquait déjà l'identité sexuelle et l'ambiguïté des sentiments entre deux adolescentes ) ne tombe jamais dans la facilité ou le discours caricatural et simpliste. Le point de vue de la caméra reste celui du regard enfantin. La preuve, les conversations des adultes restent en fond sonore, souvent incompréhensibles. On ne sait presque rien sur le passé de la petite Laure (si ce n'est que la famille n'en est pas à son premier déménagement), ni d'éventuels aboutissants ou explications psychologiques pour nous aiguiller. L'histoire nous emmène alors de ce quiproquo qui pousse indirectement Laure à se prendre pour un garçon, remettant en cause son identité vis-à-vis du regard extérieur, jusqu'à un final certes prévisible, mais là encore sans calcul, comme coulant de source. La dramaturgie en devient presque trop simple, un acte suivi de conséquences évidentes, mais pour le spectateur, c'est ce travail spontané qui en fait tout le charme.




Le spectateur savoure alors un film d'une simplicité étonnante, d'une franchise ahurissante qui en devient franchement belle. Des petites conversations entre cette bande de petits qui s'amusent à se connaître avec des actions ou vérités jusqu'à l'intimité d'une Laura qui découvre son corps, tout est fait dans une honnêteté et un charme indéniable. Le film aborde alors sans tabous l'enfant dans la découverte des sentiments (même si ces derniers touchent à la bisexualité) ou de son corps, sans aucun dégoût et en réussissant à ne jamais choquer le spectateur qui ne ressent à peine une gêne. Le miroir joue le rôle d'une preuve de la réalité, l'objectif de la caméra se charge de montrer le reste. Comment une jeune fille tente de se faire accepter dans un groupe, en se faisant passer pour un garçon, consciente de ce qu'elle fait et refusant de faire marche arrière car finalement tout cela devient fascinant, sans réellement en donner l'explication. Prisonnière de son mensonge, son histoire délivre des vérités à la fois factuelles (dans la cour de récré les filles jouent peu au foot parce que les garçons les considèrent comme mauvaises) et invite à un débat en profondeur qui regorge de questionnements. Le charme opère aussi grâce à la sincérité des jeunes acteurs, bien sûr Zoé Héran qui incarne avec pudeur son double personnage, jusqu'à celle qui tombe amoureuse de ce faux garçon, Lisa, incarnée par une touchante Jeanne Disson, en passant par le petit côté amusant et tout aussi véritable de la sœur, avec Jeanne (Malonn Lévana), aussi attendrissante qu'importante dans l'histoire.


Jamais Tomboy ne tombera dans une surenchère sentimentale et un discours préconçue ni de mièvreries sur l'enfance, laissant plutôt opérer une sorte de charme où les silences et les regards de très jeunes enfants en disent long. Mieux que personne, Cécile Sciamma en retire toute la beauté sincère pour traiter son sujet avec une véracité optimale.


 NOTE : 15.5 / 20


TOMBOY : BANDE-ANNONCE par baryla


20/04/2011
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