Revenge : histoire de violences
Oscar du Meilleur film étranger lors de la 83e cérémonie, Revenge est donc devenu le film à voir, preuve que le cinéma nordique est encore entre de bonnes mains.
Anton est médecin. Il partage son existence entre son foyer installé dans une ville paisible du Danemark, et son travail au sein d'un camp de réfugiés en Afrique. Il est séparé de sa femme, Marianne, et tous deux songent à divorcer. Leur fils aîné, Elias, âgé d'une dizaine d'années, se fait brutaliser à l'école par certains de ses camarades, jusqu'au jour où un autre garçon, Christian, décide de prendre sa défense. Ayant quitté Londres avec son père pour s'installer au Danemark, Christian est profondément marqué par le décès récent de sa mère, terrassée par un cancer. Des liens étroits se tissent bientôt entre les deux camarades. Mais quand Christian implique Elias dans un acte de vengeance particulièrement risqué où des vies humaines sont en jeu, leur amitié s'en trouve durement éprouvée. Dans des mondes que tout oppose, ces enfants et leur famille seront appelés à faire des choix difficiles, entre vengeance et pardon.
C'est dans un monde très bipolaire
où le manichéisme tendrait à avoir une place assez prépondérante
que Susanne Bier tire son dernier film Revenge. Le
titre dans sa traduction français (Vengeance) est assez évocateur,
mais plus profond qu'il n'y paraît et presque pas adapté. En posant
la question pas si évidente (Que faire face à la violence et
comment y répondre), la réalisatrice de Brothers, After the
wedding et de Nos Souvenirs Brûlés arpentent les
différentes formes de violence. Que ce soit le psychologique avec
une violence plus soutenue et suggéré où Christian (la révélation
William Jøhnk Nielsen) tente d'oublier avec douleur la mort de sa
mère et n'arrive pas à pardonner son père. Garçon que l'on
imagine pacifiste, il se trouve face à la violence d'un groupe de
collégien qui a fait de son futur ami Elias un bouc-émissaire. Pour
ne pas en dire trop ensuite, la violence se transforme en vengeance,
en réponse à la stupidité de l'homme, et ces enfants symbolisent
une éducation que les parents ne doivent pas oublier. L'oubli
justement, ce méfait dont sont coupable les parents de ces deux
enfants, qui dans leurs difficultés sentimentales et
professionnelles en viennent à oublier l'essentiel. Dans ce cocon de
richesse, l'épanouissement se fait dans une certaine douleur, que la
caméra double d'une critique de la société bourgeoise avec un
réalisme intéressant. L'autre propos intéressant nous vient de la
violence géopolitique, probablement celle qui semble la plus
évidente, mais aussi quelque part la plus pertinente. Sans être
rébarbative, la caméra de Susanne Bier nous emmène au Darfour où
le père d'Elias évolue en tant que médecin dans un camp de
réfugiés. Il y découvre la pauvreté, l'horreur des sévices que
font subir des milices armées à la population locale, mais en même
temps face à ce monde démuni, il se rend compte que le bonheur ne
tient qu'à peu de chose.
Sur les deux niveaux narratifs que sont le Danemark et le Darfour où tous les éléments semblent s'opposer avec une force évidente, Revenge arrive à les mettre sur une pied d'égalité avec une morale qui apparaissait simple et qui pourtant touche par sa réalité. Jusqu'où peut-on aller dans la violence et la chaos, où sont les frontières ? Avec ses questions très réductrices en apparence, l'action du film nous prouve que finalement tout cela est bien proche, que ce soit chez l'adulte au Darfour, où chez l'enfant. Malgré quelques facilités de dénonciation (le système scolaire semble d'une naïveté hallucinante), Revenge s'avère être convaincant sur une longue durée de presque deux heures. Signant pour la quatrième fois un scénario pour Susanne Bier, Anders Thomas Jensen signe un travail curieux et touchant, rendu aussi efficace par les acteurs. Le charisme tout d'abord de Mikael Persbrandt (acteur de la série Contre-enquête) qui dans des scènes là encore très simples d'esprit arrive à donner de la valeur à son propos avec une chaleur étonnante. L'avantage de tourner sur les deux fils narratifs du film, lui permet de livrer un personnage haut en couleur et en émotion. L'émotion aussi des deux actrices (Trine Dyrholm et Elsebeth Steentoft), sans tomber dans le pathos qui épanche une douleur intérieure qui finit par rejaillir sans coup férir.
De l'humiliation à la violence physique, Revenge aborde des thèmes connus de tous, mais une efficacité touchante et un propos intéressant.
NOTE : 14 / 20
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