Cine-emotions

Animal Kingdom : la première réussie pour David Michôd

Thriller subversif et viscéral dominé par une pléiade d'acteurs étonnants de justesse, le premier long métrage de David Michôd, Animal Kingdom, a été logiquement remarqué à Sundance cette année.




Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C'est là que vit la famille Cody. Profession : criminels. L'irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné, offre à la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu'à choisir son camp...



Animal Kingdom ou l'importance de toujours bien introduire son œuvre face à l'œil du spectateur : dès les deux premières scènes du film, le ton est donné. Entre drogues et cambriolage, le film veut nous insérer le plus rapidement possible dans l'histoire, quitte à nous expliquer simplement le pourquoi du comment avec la voix-off du jeune personnage principal. Ce côté simpliste n'est étonnamment pas à prendre comme un défaut. L'ambiance est déjà bien noire, se détachant dès le début d'autres thrillers acérés comme le glacial Easy Money, parce que probablement plus sobre et simple en lecture. La caméra impulsive de ce nouveau talent David Michôd s'accompagne d'une photographie déroutante d'un Melbourne fasciné par le crime, signée Adam Arkapaw. Ainsi, l'histoire nous emmène au beau milieu d'une famille de gangsters prête à exploser, alors que leurs affaires ne rapportent plus assez et que la police antigang attend le moindre mouvement d'un des membres. L'insertion fonctionne à merveille avec une rapidité déconcertante. La première scène glaçante nous place devant l'overdose fatale de la mère de Josh, la fameuse pierre angulaire du film. Le deuxième événement tragique du film confirme la force dramatique du film, sans tomber dans un larmoyant fumeux. Le spectateur ressent alors un certain attachement parce qu'il a eu le temps pour, mais surtout parce que l'histoire et l'ambiance vont de paire pour le permettre. Les émotions se confirment et s'élancent, sans esbroufe pourtant. En quelques minutes, on peut mesurer avec une certaine précision la rapidité et l'efficacité même de l'écriture, de la réalisation ainsi que de la sincérité des acteurs. Trois éléments formant d'ailleurs la force centrale du film.





Avec un bon usage des codes du genre, sans les transgresser mais en les renouvelant avec une précision et une finesse étonnante, Animal Kingdom s'avère être un film assurément bien maîtrisé. Si quelques longueurs pointent le bout du nez, c'est sans gêne apparente. Si un manque de rythme se fait sentir, c'est vite pallié par un propos plus psychologique, qui va au-delà de l'action proposée. En témoigne l'esprit torturée de Josh (James Frecheville), timorée en apparence, attachant à l'évidence. Il est l'objet du film, qui sert à l'action (qu'il ne voit pas forcément d'ailleurs), fait monter l'émotion par une prestation toute en retenue, pousse les autres personnages à montrer une autre image d'eux-mêmes. A l'image du film, il réussit à captiver le spectateur par l'intérieur, avec une violence aussi mentale que physique. Film aussi captivant que sa très belle bande originale signée Antony Partos, c'est aussi grâce aux acteurs qu'Animal Kingdom nous apparaît aussi intéressant. Que ce soit le débutant James Frecheville ou la sombre matrone Jacki Weaver (Pique-nique à Hanging Rock) nommé à l'Oscar du meilleur second rôle, ou encore par les prestations de Guy Pearce (L.A Confidential, Memento) dans le rôle d'un inspecteur protecteur, et enfin deux des membres de cette famille, accrocheur par leurs performances, Joel Edgerton (Mi$e à prix, Le Roi Arthur) et Ben Mendelsohn (Australia, Prédictions). Jusqu'au twist final, on a envie de croire aux clichés persistants sur le gangster et sa rédemption, le poussant à vouloir un monde nouveau où le mal n'a plus sa place. Plus intelligent que cela, Animal Kingdom intègre les codes du genre, sans les détourner mais avec un usage bien plus profond qu'il y paraît. Tout apparaît si simple d'un coup, mais c'est l'œuvre de David Michôd qui est une réussite exemplaire, en espérant que celui-ci ne connaisse pas par exemple le destin d'un Florian Henckel von Donnersmarck (La Vie des autres, The Tourist).


NOTE : 14.5 / 20





01/05/2011
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