Cine-emotions

Je veux seulement que vous m'aimiez : du Fassbinder inédit

Inédit dans nos salles françaises bien qu'il date de 1976, Je veux seulement que vous m'aimiez marque la volonté de faire perdurer un cinéma aujourd'hui, celui de R.W Fassbinder.




Le jeune Peter purge une peine de dix ans pour le meurtre d'un patron de café. Il raconte son histoire au psychologue de la prison. Peter est attentionné, généreux, serviable, mais timide et écrasé par ses parents. Il ne cesse de vouloir acheter aux autres l'amour qui lui a été refusé dans son enfance. Chaque jour, il couvre ceux qu'il aime de nouveaux cadeaux, malgré les soucis financiers grandissants…



Il est tellement rare aujourd'hui de revivre les grands réalisateurs au cinéma que dès que le nom de l'un d'entre eux nous arrivent aux oreilles, on part à l'assaut de l'une des (rares) salles qui le joue. C'est un peu aujourd'hui le cas avec ce Fassbinder (Le Bouc, Le Secret de Veronika Voss), inédit en France et datant pourtant de 1976, mais diffusé à l'époque à la télévision allemande, et qui débarque en 2011 dans très peu de salles françaises. Non pas que le film n'attire pas le spectateur un poil curieux et cinéphile, mais plutôt parce que son statut de téléfilm ne s'efface pas en apparence lors d'une projection sur grand écran, et cela malgré le talent de R.W Fassbinder. Fortement inspiré du policier à l'américaine et du cinéma de Godard, Je veux seulement que vous m'aimiez semble être à l'image du cinéma de ce réalisateur qui a mis du temps à être reconnu par les spécialistes du cinéma. Avec ce film là, il se confirme alors que la forme prend le dessus sur un fond, qui bien que mystérieux tend à devenir à la longue très rébarbatif.




Commençons par le point négatif, ce qui laisserait indifférent le spectateur. Peter semble être un garçon comme les autres, jusqu'à ce qu'il tue sans raison apparente son père. Interrogé par une psychologue alors qu'il purge sa peine de prison, le spectateur tente en même temps de comprendre l'acte du jeune garçon. C'est alors que l'on plonge à travers quelques flashbacks parfois un peu brouillon, dans le passé de Peter. De son enfance lors d'une première scène où il vient d'offrir des fleurs (volées) à sa mère qui le remercie en lui donnant des coups de cintre en guise de punition, jusqu'à ce fameux meurtre à coup de téléphone, Je veux seulement que vous m'aimiez évoque à la fois une histoire personnelle et le contexte social de l'époque qui touche forcément notre personnage. Outre la prestation assez étonnante de Vitus Zeplichal aux allures de Norman Bates allemande, inspirant à la fois la crainte et la pitié en même temps qu'un attachement assez certain, le film finit par laisser indifférent dans son traitement. Probablement parce que le rythme est plutôt lancinant et répétitif, sans grande ingéniosité. Pourtant, avec du recul, il a de quoi satisfaire. Il se plonge d'une façon psychologique assez pertinente dans le personnage de Peter, un homme charmant en apparence qui fait tout pour plaire, y compris à sa femme, prenant le risque de s'endetter secrètement. On apprend alors qu'il était exactement pareil dans son enfance avec ses parents, ne cherchant qu'à recueillir un amour qu'il n'aurait jamais, lui qui a construit la maison de rêve des parents, sans véritable remerciements. La peinture sociale de cette Allemagne de l'Ouest dans les années 70 est aussi évoquée, avec le développement du bâtiment qui va bientôt faire face à la crise et des licenciements. Elle sert de fond d'écran mais n'apporte guère plus de crédibilité, n'étant que trop sous-jacente.


Le seul et digne intérêt est donc de plutôt admirer les talents de metteurs en scène de Rainer Werner Fassbinder, ce que le film ne remet absolument pas en cause, bien qu'il soit un téléfilm. La mise en scène est brillante, toujours en intérieure, offrant la possibilité de jouer avec la caméra, que ce soit avec le travelling et le jeu de miroir pouvant permettre de voir une même scène sous deux angles différents, sans en perdre un seul endroit. On sent donc un travail appliqué et personnel, en plus d'une maîtrise de la technique qui en devient esthétisante. Dans un registre où beaucoup de films sont bâclés car uniquement taillés pour la télévision et sans avenir derrière, Je veux seulement que vous m'aimiez de R.W Fassbinder permet de montrer qu'il n'y a pas tant de différences entre deux mondes bien différents, pourvu qu'ils aient en commun un grand réalisateur de l'histoire du cinéma.


NOTE : 13.5 / 20



26/04/2011
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