Case Départ : comment se moquer avec humour et intelligence des racismes
Réalisé par un trio et mené tambours battants par le duo Eboué – Ngijol, Case Départ est une comédie fraîche qui prend le parti de s'amuser de toutes les discriminations.
Demi-frères, Joël et Régis n’ont
en commun que leur père qu’ils connaissent à peine.
Joël est
au chômage et pas vraiment dégourdi. La France, « pays raciste »
selon lui, est la cause de tous ses échecs et être noir est
l’excuse permanente qu’il a trouvée pour ne pas chercher du
travail ou encore payer son ticket de bus.
Régis est de son côté
totalement intégré. Tant et si bien, qu’il renie totalement sa
moitié noire et ne supporte pas qu’on fasse référence à ses
origines. Délinquance et immigration vont de pair si l’on en croit
ses paroles.
Réclamés au chevet de leur père mourant aux
Antilles, ils reçoivent pour tout héritage l’acte
d’affranchissement qui a rendu la liberté à leurs ancêtres
esclaves, document qui se transmet de génération en génération.
Faisant peu de cas de la richesse symbolique de ce document, ils
le déchirent.
Décidée à les punir pour le geste qu’ils
viennent de faire, une mystérieuse vieille tante qui les observait
depuis leur arrivée aux Antilles décide de leur faire remonter le
temps, en pleine période esclavagiste ! Parachutés en 1780, ils
seront vendus au marché comme esclaves. Les deux frères vont alors
devoir s’unir, non seulement pour s’évader de la plantation mais
aussi pour trouver le moyen de rentrer chez eux, au XXIe siècle.
L'argument de vente au grand public semblait être de dire : on a un film très drôle, et pour la première fois (ou presque) parle de l'esclavagisme français. Disons plutôt que choisir l'époque de l'esclavagisme est une sorte de fond d'écran plutôt bien choisi pour alimenter tout un propos très loin d'être ridicule. Ou comment rire à gorge déployée d'un sujet très grave : le racisme. Et les premières scènes sont charnières à ce niveau-là, la bande-annonce en montrant d'ailleurs une partie pour lancer son propos. Nous avons d'un côté Joël, c'est le beauf des cités, qui braque une vieille pour se croire caïd, qui utilise une vulgarité par phrase pour faire se faire un personnage craint, il est l'archétype du jeune qui pavane sur le béton de son quartier, les épaules en mouvement, le check en poche. Il est aussi mal intégré, vit dans une France qu'il considère comme raciste et maux de tous ses problèmes, en plus d'être un faux musulman fainéant et qui matte les fesses d'une belle demoiselle accompagné de la remarque de circonstance. De l'autre côté, nous avons Régis, dont tout semble lui avoir réussi, et qui renie ses origines antillaises, et bosse dans au conseil municipal de Chanteloup (ceux qui connaissent la ville de réputation...). On pourrait bien dire tout cela n'est que clichés. Ne nous voilons pas la face, ces exemples que prennent le duo de ce film, accompagné en réalisation par un spécialiste Lionel Steketee (1er assistant réalisateur sur Hellphone, Fatal ou encore Lucky Luke), ne sont pas des mensonges. Il y a beaucoup de réalisme dans cette comédie fouillée et loin d'être anecdotique. Elle prend derrière son aspect humoristique, un côté beaucoup plus critique, voire même pédagogique, se destinant à ceux qui par exemple fraude le bus et pense se faire contrôler parce qu'ils sont noirs. Une stigmatisation qui se fait donc dans les deux sens, parce que tout le monde le veut bien. Sauf qu'aujourd'hui, la moindre stigmatisation est allégrement taxée de racisme ou de propos discriminatoires, alors qu'il y a pourtant une part de réalité et un fond de problème bien évoqué.
La force du film Case
Départ reste dans l'aspect fusionnel du duo Fabrice
Eboué et Thomas Ngijol. Deux habitués de la comédie et de la
scène, qui s'exprime sans complexe dans une comédie façonnée par
leurs expériences. Ils amusent le public avec un naturel
déconcertant et rassemble. Gageons que le public comprenne aussi
que derrière l'humour de ce film, il y a un vrai propos
intellectuel. En remontant jusqu'à l'esclavagisme, c'est
l'occasion de prendre un certain recul, même pas manichéen, sur une
période de l'histoire qu'un certain Christian Vanneste n'avait pas
trouvé si négative que cela. C'est d'abord une autre manière
d'aborder cette période historique, plutôt que les livres
d'Histoire et un certain formatage qui laisse de la distance. Avec
Case Départ, on parle familier et accessibilité à tous.
Alors bien évidemment, ce film n'est absolument pas un film
historique ou à considérer comme tel. En revanche, prendre cette
période est une bonne excuse pour se moquer du racisme envers les
noirs, des blagues salaces sur le juif, la constante opposition entre
juif et musulman (pour même arriver à évoque le conflit
israélo-palestinien) qui s'exprime dans l'éternel débat du peuple
qui a été le plus opprimé dans l'histoire, ou encore même
l'homosexualité pas forcément acceptée dans toutes les
communautés. Ce dernier thème est même le plus tendu, lorsque le
film commence à dire qu'un couple gay ne peut pas procréer, et donc
par là, ne sert à rien dans l'évolution humaine. Un exemple type :
on peut dire que c'est de l'homophobie, mais scientifiquement
parlant, un coupe gay n'a jamais mis au monde d'enfant ! Case
Départ enchaîne donc les situations avec des gags franchement
amusants, et joue en même temps sur des petits détails. Terminons
par exemple sur le nom d'un personnage : le fils des Jourdain, qui
s'appelle Victor et du haut de son très bas âge, ne comprend pas
pourquoi les esclaves existent et sont traités ainsi. Un nom qui
n'est sûrement pas donné au hasard, puisque c'est celui qui a
instigué l'abolition de l'esclavage, n'est autre qu'un certain
Victor Schoelcher, en 1848.
NOTE : 14 / 20
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