Balade Triste : l'étonnant spectacle du magicien Alex de la Iglesia
Étonnant et déroutant, Alex de la Iglesia revient avec une sorte de comédie dramatique un peu trash, répondant au doux nom de Balada Triste.
Dans l’enceinte d’un cirque, les singes crient sauvagement dans leur cage tandis qu’à l’extérieur, les hommes s’entretuent sur la piste d’un tout autre cirque : la guerre civile espagnole. Recruté de force par l’armée républicaine, le clown Auguste se retrouve, dans son costume de scène, au milieu d’une bataille où il finira par perpétrer un massacre à coup de machette au sein du camp national. Quelques années plus tard, sous la dictature de Franco, Javier, le fils du clown milicien, se trouve du travail en tant que clown triste dans un cirque où il va rencontrer un invraisemblable panel de personnages marginaux, comme l’homme canon, le dompteur d’éléphants, un couple en crise, dresseurs de chiens mais surtout un autre clown : un clown brutal, rongé par la haine et le désespoir, Sergio. Les deux clowns vont alors s’affronter sans limite pour l’amour d’une acrobate, la plus belle et la plus cruelle femme du cirque : Natalia.
On peut parfois avoir la chance de
juger un film sur ses premières scènes. Disons que pour le
Balada Triste d'Alex de la Iglesia, ce sont ses premières
scènes qui vont trancher. D'une part le spectateur saura s'il peut
être emballé ou non par l'esprit ou l'ambiance qui peut en
ressortir. Ensuite ces premières scènes s'affirment comme des
objets de maîtrise du metteur en scène, qui a donc écrit et
réalisé le film (chose rare de nos jours). Dans les cadres d'abord,
les jeux sur la lumière et l'ambiance qui va donc en sortir. Le
propos ensuite, confrontant deux cirques avec deux sens différents :
le premier au sens propre, véritable cirque qui amuse les enfants,
qui apparaît comme le seul divertissement dans les sombres moments
de guerre, une évasion féérique. Puis ce cirque devient miroir, il
assiste impuissant à un autre cirque, celui de la guerre civile,
caricaturée et violente. Balada Triste nous raconte alors l'histoire
de Javier (Carlos Areces) ce fils sans enfance, et ses traumatismes
de la guerre, qui croit pouvoir retrouver dans un cirque des années
70 un semblant de vie où il porte bien sûr les traits d'un clown
triste. Surtout il tombe amoureux d'une superbe acrobate (Caroline
Bang), propriété du terrible directeur de ce cirque, le violent et
néanmoins fascinant Sergio (Antonio de la Torre). L'étrange
ressemblance au récent film de Francis Lawrence De l'eau pour les
éléphants s'arrête là. Car au-delà d'une romance pas franchement
prenante, c'est plutôt l'opposition entre les deux personnages qui
est intéressante, l'envergure qu'Alex de la Iglesia leur donne.
La caméra fantasque du réalisateur
du Jour de la bête (1995) signe une réponse
comico-gore à son premier film, dans le même esprit, Action
Mutante (1992). Il tombe pendant un moment dans le pamphlet
politique, tout en clin d'œil, regardant avec humour et tristesse ce
sombre passage de l'histoire espagnole qu'est cette année 1973. Car
ce n'est pas un hasard si cette année qui est prise en
considération. Non pas que la huitième année du réalisateur y
soit très importante, mais c'est surtout les évènements qui la
jalonne. La nomination de Carrero Blanco (collaborateur de Franco) au
poste de Premier Ministre que l'on aperçoit dans le film, qui trouve
la mort la même année dans l'explosion d'une bombe posée par
l'ETA. 1973 c'est aussi la fin de la cavale de El Lute, un prisonnier
espagnol célèbre pour ses nombreuses évasions et qui est en
quelque sorte un personnage comparé à celui de Javier, aveuglé par
la vengeance et la soif de violence. Psychologiquement, c'est tout le
symbole d'un homme qui a manqué sa jeunesse, n'ayant jamais eu aucun
appui en dehors de son père fait prisonnier qu'il ne verra plus, et
qui finit par déraper par amour. Alors que Balada Triste
avance peu à peu dans son histoire certes toujours passionnante mais
dont on semble percevoir les ficelles de loin, Alex de la Iglesia ne
retient malheureusement pas son film qui tombe dans la surenchère.
Que ce soit dans les décors, au départ magnifique, mais qui sont le
théâtre d'un final sur une croix géante, ou dans des effets
spéciaux qui laissent à désirer. Ce film absolument étonnant
finit pourtant dans le penchant du film divertissant terriblement
classique. Un paradoxe dirons-nous. Le côté décalé n'est plus
avalable pour le spectateur, qui aurait aimé probablement une fin
différente, peut-être plus intimiste et moins dantesque.
NOTE : 14 / 20
BALADA TRISTE : BANDE-ANNONCE HD par baryla
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