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Nous, princesses de Clèves : la Cour dans un lycée Z.E.P marseillais

En pied de nez à une fâcheuse déclaration de Nicolas Sarkozy en 2006, Régis Sauder signe un documentaire sincère avec Nous, princesses de Clèves.




L'action se déroule en 1558, à la cour du roi Henri II. Mademoiselle de Chartres, devenue Princesse de Clèves après son mariage, rencontre le Duc de Nemours. Naît entre eux un amour immédiat et fulgurant, auquel sa mère la conjure de renoncer.
Aujourd'hui à Marseille, des élèves du Lycée Diderot s'emparent de "La Princesse de Clèves" pour parler d'eux. A 17 ans, on aime intensément, on dissimule, on avoue. C'est l'âge des premiers choix et des premiers renoncements.



L'idée originale est venue d'un projet proposé par la femme de Régis Sauder, Anne, alors enseignante au lycée Diderot, un lycée Z.E.P situé dans les quartiers Nord de Marseille. En se situant dans une institution scolaire dite « difficile », non sans l'étiquetage social que la France aime tant collé à tout ce qui peut être étiqueter , le propos se veut doublement touchant. Le projet était donc de voir comment des jeunes a priori « peu favorisés » s'approprie un grand classique de la littérature française, alors qu'on les imagine bien distants à tout cela. La Princesse de Clèves s'est alors imposé tout naturellement, puisqu'il s'agit du premier roman moderne de la littérature, notamment à travers l'histoire de Mademoiselle de Chartres, tiraillée entre ses fiévreux sentiments amoureux et l'obligation d'une éducation familiale et surtout maternelle. Le film pose alors les questions de l'amour, de sa réception et de son interprétation par des jeunes d'aujourd'hui, et de la relation avec la mère, point central du roman. Le documentaire alterne les scènes jouées et interprétées par ces jeunes lycéens et des mini-reportages plus intimistes auprès d'un panel qui a bien voulu s'exprimer pour illustrer au mieux le propos initial du roman, le tout transposé à une échelle plus que contemporaine, puisqu'elle est actuelle.




En clin d'œil à un Nicolas Sarkozy qui taxait le roman d'inutile pour une guichetière de La Poste en 2006, le couple Sauder veut montrer la capacité de ses jeunes à s'approprier une œuvre moderne pour l'époque à leurs réalités. Des différences de langage, des mondes que tout semble opposer, quelque mièvreries adolescentes et en même temps pas mal de réalités personnelles voilà aussi ce que montre ce documentaire. Ensuite, ce qui est intéressant à étudier, c'est comment ces jeunes réussissent à s'approprier les thématiques du film, bien aidé par un scénario presque tout écrit, avec des questions qui poussent à des réponses évidentes, mais quelque part aussi, des réponses criantes de vérités. On n'est pas face à un film de propagande pour contrer l'image que la jeunesse française des quartiers difficiles n'a pas de culture ni d'avenir, mais il y a certaines intentions louables, qu'il ne faudrait pas non plus exagérer pour donner un statut d'orfèvre à ce documentaire. On se trouve devant un objet à modérer, d'autant plus que ce dernier semble s'égarer sur divers sujets, beaucoup plus contemporains et difficilement transposable, à savoir la peur de l'avenir, l'épreuve du bac, la mixité sociale, le divorce, etc...). Nous, Princesses de Clèves veut abattre des clichés sur la littérature inaccessible pour certains, et surtout une jeunesse qui vit sur une autre planète où Facebook et Skyrock sont les rois (pour ne citer qu'eux). Par moment assez éloigné du sujet initial, le documentaire pointe tout de même du doigt certaines réalités quotidiennes que le spectateur ne connaît pas réellement, que ce soit par exemple le cas de Manel qui explique « qu'il faut tout cacher pour avoir l'air normal », notamment face à la mère. La Cour du Roi est ici cette cité phocéenne soumise elle-aussi à des règles sociales qui régissent la vie et l'espace commun de ces jeunes.


Idée originale et parfois un peu évasive, Nous, Princesses de Clèves soulève quelques questions importantes et intéressantes sans pour autant s'avérer être un documentaire mémorable et ultra réaliste.


NOTE : 11 / 20



03/04/2011
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