Belleville Tokyo : la rupture au cinéma pour une cinéphile amoureuse
Belleville Tokyo, ce sont les premiers pas d'une attachée de presse déguisée en réalisatrice et qui signe une fiction qui se veut être une comédie sur l'art de se séparer.
Un couple se dirige vers un train en partance pour Venise. Sur le quai, Julien annonce à Marie qu’il part en rejoindre une autre et s’en va, la laissant seule à Paris, enceinte. Bouleversée, Marie se refuse à être victime de cette situation. Elle trouve du réconfort dans son travail auprès de ses deux « cow-boys » de patrons, Jean-Jacques et Jean-Loup, qui dirigent un cinéma du quartier latin spécialisé dans les films classiques américains…
Pas franchement très amusant que ce
Belleville Tokyo. Rien ne prête réellement
à sourire dans un film qui évoque un sujet grave au détour de sa
cassure romantique. Comment une femme arrive à vivre une séparation
et le retour d'un mari qu'elle n'aime plus, alors qu'elle est
enceinte de ce dernier. Valérie Donzelli retrouve donc son conjoint
Jérémie Elkaïm (qu'elle avait dirigé dans La Reine des Pommes,
puis dans le prochain La Guerre est déclarée) pour
interpréter dans quasiment tous les plans ce drame psychologique.
Film d'auteur bricolé, Élise Girard arrive à en dégager une
étranger sensation. Celle de constater des dialogues parfois
mous (à l'image d'un Elkaïm plus agaçant qu'attachant), tout en
gardant pourtant l'efficacité d'une histoire qui accrocher et le
sentiment que ce duo fonctionne bien à l'écran, suffisamment pour
nous ressentir l'étouffement et la douleur dans la construction
d'une rupture. Jamais Belleville Tokyo ne tombera dans
l'esbroufée, jamais il ne nous emmènera non plus dans l'émotion,
même s'il est clairement destiné à un public cinéphile, puisque
le film navigue entre Aldrich, Fellini ou Varda. Comme si le cinéma
d'antan s'était perdu, qu'il fallait nous montrer qu'on peut
toujours y rester attaché. Elle est cinéphile, lui est critique
cinéma, les deux se rejoignent pour mieux se séparer. Le film
est à moitié autobiographique puisqu'Élise Girard est connue
pour être l'attachée de presse des cinémas Action, où d'ailleurs
sa caméra nous traine aux côtés de Jean-Loup (Jean-Christophe
Bouvet) et Jean-Jacques (Philippe Nahon), en vieux briscards. Son
film se tourne donc dans le quartier parisien Belleville qui figure
dans le titre et auquel elle rajoute Tokyo, ville qu'elle ne filmera
jamais, où Julien est supposé partir pour un festival. Mais Tokyo
est plutôt utilisée ici comme un lieu du fantasme, tellement
éloignée du petit charme de Belleville, une métaphore pour mieux
rendre compte de la distance et la froideur qu'il y a dans ce couple.
On en sort satisfait d'avoir vu une fiction assez grisante
finalement, réaliste dans ses problèmes posés, content aussi
d'avoir été pris par ce sentiment de gêne vis-à-vis de ce couple.
Et en même temps, on est déçu ne pas avoir eu le peps escomptés,
la petite flamme qui aurait fait décoller une histoire apparemment
universelle et finalement très peu traitée au cinéma.
NOTE : 12 / 20
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