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[FOCUS ON] Darren Aronofsky, obsession et perfectionnisme

Avec Black Swan, film évènement de ce début d'année, Darren Aronofsky, encore assez méconnu il y a peu de temps, occupe désormais le devant de la scène. En seulement cinq films, ce natif de Brooklyn a su s'imposer comme un réalisateur brillant aux yeux d'un public grandissant et de la critique . 





Coney Island, New York. C'est dans cette péninsule de la grosse pomme que se situe l'action du désormais culte Requiem for a Dream. C'est aussi dans cette région du quartier de Brooklyn qu'a grandi son réalisateur, Darren Aronofsky. Grâce à ses parents, professeurs, le jeune New-Yorkais découvre la culture et différentes formes d'arts. Après le lycée, il entre à Harvard où il étudie l'anthropologie puis se dirige vers des études cinématographiques. En 1991, Darren Aronofsky se fait remarquer avec son court métrage de fin d'études, Supermarket Sweep dans lequel joue Sean Gullette. Puis le jeune homme s'envole pour Los Angeles où il intègre l'American Film Institute. De retour à Brooklyn en 1995, Darren Aronofsky s'attelle à son premier long métrage, Pi. Lancé dans ce projet avec une équipe d'amis et de la famille, il collecte assez d'argent pour tourner son film un an plus tard, avec Sean Gullette à nouveau dans le rôle principal. Le film obtient le prix de la mise en scène au festival de Sundance en 1998. Deux ans plus tard, il confirme son talent dans l'adaptation du roman d'Hubert Shelby Jr., l'excellent Requiem for a Dream, avec Jared Leto, Ellen Burstyn et Jenifer Connelly.


Sa carrière semble véritablement lancée et il arrive, avec difficulté tout de même, à obtenir un budget plus conséquent (30 millions dollars) pour tourner sa fable fantastique sur l'amour, The Fountain, avec Rachel Weisz (sa compagne à l'époque) et Hugh Jackman. Mais le film est un échec, avec des critiques partagées et un public qui ne suit pas cette histoire assez dense et trop complexe. En 2008, il revient en beauté avec The Wrestler, acclamé par la critique. Il sort Mickey Rourke de sa longue traversée du désert en lui donnant le rôle principal, celui d'un catcheur en fin de carrière. Son interprétation lui vaut de remporter le Golden Globe du meilleur acteur et une nomination aux Oscars. Darren Aronofsky commence ainsi à se faire un véritable nom aux yeux du public, et à ne plus être que « le réalisateur de Requiem for a Dream ». C'est cette année, en 2011, qu'il accède à la consécration avec son dernier film, le sublime Black Swan. Nommé à plusieurs reprises aux Golden Globes et aux Oscars, le film permet à Natalie Portman d'obtenir (enfin) un rôle à la hauteur de son talent. Son interprétation de danseuse étoile schizophrène lui a déjà valu de remporter un Golden Globe. 




A l'image de ce dernier personnage de ballerine, Darren Aronofsky est un perfectionniste exigeant. Il pousse ses acteurs à donner le meilleur d'eux-mêmes, à rentrer entièrement dans leurs rôles et à se dépasser physiquement. Natalie Portman a notamment subi des heures intensives d'entrainement pendant un an et s'est beaucoup amaigrie pour devenir une danseuse étoile crédible. Hugh Jackman, qu'il va retrouver pour tourner la suite des aventures de Wolverine, est actuellement en train de travailler sa masse musculaire pour coller au mieux au personnage de mutant trapu, selon les désirs du cinéaste. Mais ces exigences envers les acteurs qu'il dirige les poussent souvent à de grandes performances : Mickey Rourke lui doit sa résurrection artistique à travers un rôle inattendu et Natalie Portman livre dans Black Swan une interprétation épatante et probablement la plus physique et complexe de sa carrière


Très stylisés et appuyés par la musique de Clint Mansell, les films de Darren Aronofsky ont en commun différentes techniques de mise en scène dont le cinéaste aime user et abuser, créant ainsi un style identifiable. Les plans serrés et l'utilisation de la Snorricam (une caméra fixée directement face à l'acteur) font notamment partie de ses marques de fabrique. Pour Pi, il utilise ces procédés et livre une œuvre entièrement en noir et blanc. Afin de recréer les migraines violentes dont souffre le personnage principal, il joue sur les sons et la luminosité. Dans Requiem for Dream, son film le plus stylisé, il joue sur le montage, pour mettre en parallèle ou distancier les histoires de ces personnages grâce au split-screen mais aussi pour mettre en scène leurs addictions avec un montage rapide de scènes très courtes en accéléré (dit 'hip-hop montage'). Pour The Fountain, il ralentit ses effets de style en optant pour une mise en scène plus classique tout comme avec The Wrestler, drame dans lequel il mise sur l'émotion et filme beaucoup caméra à l'épaule, pour se rapprocher de la réalité. Pour Black Swan, on retrouve une œuvre plus stylisée. Le réalisateur joue notamment avec les miroirs et l'ambigüité pour renforcer l'atmosphère inquiétante. Avec ce dernier film, un thriller psychologique, genre dans lequel il excelle, Darren Aronofsky semble avoir trouvé la bonne dose d'effets pour ne pas en faire trop, ce qui a pu lui être reprocher sur Requiem for a Dream par exemple. 





Se concentrant souvent sur des aspects sombres de l'esprit humain, Darren Aronofsky aime explorer les obsessions humaines. Que ce soit une formule mathématique (Pi), une drogue (Requiem for a Dream), l'amour (The Fountain), une passion sportive (The Wrestler) ou la perfection (Black Swan), chacun des personnages de ces films fait face à une obsession dont il ne peut se détacher et qui risque de l'entrainer à sa perte. Tous sont livrés à une bataille à la fois intérieure, avec leurs propres démons, et avec l'extérieur, face aux obstacles qui se mettent sur leur chemin. Dans Pi, il met en scène un jeune homme obsédé par une formule mathématique qu'il croit être la clé du marché boursier. Le mathématicien cède à la paranoïa, persuadé qu'une compagnie boursière et un groupe religieux veulent lui arracher la formule. Requiem for a Dream explore l'addiction sous différentes formes : la drogue pour trois jeunes personnes et la télévision pour la mère de l'un des protagonistes. En essayant de s'en sortir, chacun s'enfonce plus profondément dans ses addictions. Avec The Foutain, il livre une fable à travers trois périodes différentes sur l'amour. A chaque époque, la passion d'un homme pour une jeune femme est si forte que la lutte pour préserver leur couple devient une obsession. Dans The Wrestler, c'est la passion pour le catch qui va entraîner Randy "The Ram" Robinson dans la misère et ce souvenir d'une gloire passée qui va le pousser à continuer ses combats, au risque de sa santé. Pour Black Swan, Darren Arofnosky se concentre sur l'obsession d'une danseuse étoile à être parfaite pour le rôle dont elle rêve tant, celui de la Reine 'Queen Swan' dans le Lac des cygnes. Schizophrène, la jeune femme s'enfonce dans une paranoïa qui la pousse à penser qu'une autre danseuse veut lui voler sa place. En parallèle, Aronofsky donne à Natalie Portman l'occasion d'expérimenter un personnage en proie à ses propres démons, qui dans sa course à la perfection, va jusqu'à s'opposer à sa mère, symbole d'une douce jeunesse perfectionniste.


Quand, à l'avant-première parisienne du film en décembre dernier, un spectateur lui fait remarquer que la plupart de ces personnages sont tourmentés, le réalisateur s'explique simplement : « Selon moi, il y a assez de films qui sont sur le triomphe de l'esprit humain et je pense qu'il y a une autre façon de voir les choses ». Darren Aronofsky ne semble donc pas avoir fini de nous livrer sa vision brillante et si particulière de la nature humaine.





09/02/2011
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