Cine-emotions

Le temps d'un break, Peter Jackson nous offre une œuvre bien étrange, à la fois touchante et surréaliste d'un drame lui-même réaliste. Explications.

Susie Salmon est une jeune adolescente, pleine de vie et d'ambition, essaye de vivre en parfaite harmonie avec ces parents. Sauf qu'en cette année 1973, elle disparaît, assassinée par un psychopathe. Et de son monde parfait, là où elle s'apprête à rejoindre les morts, elle peut contempler et voir la reconstruction de sa famille, les avancées de l'enquête, tout en surveillant son meurtrier.

The Lovely Bones est en réalité une adaptation du roman homonyme d'Alice Sebold, publié en 2003 et paru en France sous le titre La Nostalgie de l'Ange. L'ange ici c'est Susie, campée par une étonnante Saoirse Ronan (Reviens-moi). La nostalgie, c'est à la fois ce que la famille va vivre, notamment par l'intermédiaire des objets et des photos, et Susie dans son « monde parfait » en regardant sa famille. Mais Peter Jackson vise encore plus que cela : une sorte de monde parallèle, un entre-deux entre le monde vivant et le paradis. Ce monde est tout simplement sublime, complètement surréaliste, et pourtant doté des paysages bien vivants. Voici ce qu'en pense Peter Jackson : « Nous avons essayé de créer un monde onirique, indéfinissable et éphémère. C'est un au-delà qui reflète l'être qui l'habite, il n'y a aucun élément lié à une religion ou une autre. Je voulais que ce soit un monde mystérieux et intangible ». C'est cette beauté que l'on aime retrouver chez Jackson, un paysage qui peut directement faire penser à ce que l'Imaginarium du Docteur Parnassus avait laissé voir. Sans oublier que le film sort tout droit de la Paramount et des studios Dreamworks.

« J'ai découvert une histoire extrêmement poignante et très évocatrice », évoque le réalisateur de la trilogie du Seigneur des Anneaux qui en est à son onzième long métrage. Pourtant là où Jackson aurait pu insister sur l'aspect émotionnel, il ne le fait pas, et son émotion se retrouve ailleurs. On se rend compte du talent du réalisateur dans sa façon de mettre en scène. Tout d'abord, il y a le jeu sur les couleurs, entre les paysages colorés de l'entre-deux et les coins plus sombres de la vie réelle. Les sentiments vont alors de paire avec la couleur. De même, il y a un jeu sur les dimensions : on retrouve l'espace et le sentiment de liberté dans le monde de Susie, et le confinement et l'oppression de la mort et du réel. Derrière, Jackson arrive à donner avec ses acteurs, une réelle sensation d'étouffement. L'histoire est en elle-même oppressive, les détails et les scènes chocs éblouissent le spectateur qui ne peut feindre le malaise. Puis on retrouve des longueurs qui continuent à renforcer le stress si régulier pour un film psychologiquement oppressant.

Il faut aussi rendre hommage à la prestation actorale. Ni trop bluffante, et largement loin d'être mauvaise. Si Rachel Weisz n'est pas aussi déchirante que dans Agora (ce sera peut-être la seule déception), on retrouve un casting plutôt bon. Mark Walhberg joue un père sensible, qui plonge à moitié dans la paranoïa dans sa course au tueur. Saoirse Ronan joue la carte de la larme, elle qui a apparemment touché lors du tournage et des répétitions. Susan Sarandon reste une grand-mère charmante, qui essaye de reprendre la famille en vain en l'absence de la mère, partie prendre l'air. Mais le coup de chapeau revient Stanley Tucci, qui campe ce psychopathe : chacune de ses apparitions renforcent ce fameux stress, et il met en avant pour jouer ce personnage si maléfique.

Au final, il y a un étrange sentiment entre le film bien fait et intelligent, et la bizarrerie d'un film qui se voulait trop allégorique ou esthétique. Peter Jackson réussit là à mettre un certain malaise, alternant entre une histoire réaliste et émouvante, et une histoire parallèle tout en philosophie.