Cine-emotions

La comédie française est dans une bonne phase, après L'Arnacoeur, voici Les Invités de mon père, une comédie d'Anne Le Ny.

Lucien Paumelle a toujours eu des convictions fortes. Médecin retraité, il reste un homme d'action, réputé pour son implication dans de nombreuses causes humanitaires. Son engagement le conduit jusqu'au mariage blanc avec une jeune femme moldave, Tatiana, pour lui éviter l'expulsion. Ses enfants sentent alors un désengagement de la part du père si vénéré.

Il y a sans raison dans le paysage de la comédie française des films qui réussissent à pousser les nuages dans un ciel bien terni par des multiples long-métrages sans intérêts, pour y mettre un peu de lumière. Les Invités de mon père est une comédie qui justement suscite l'intérêt. Une comédie peut-être bonne quand elle est drôle (ça on aurait pu le deviner), mais aussi quand elle est sensée et intelligente (c'est un tout autre terrain pour le coup).

Pour la réalisatrice (pourtant déjà portée à gauche) Anne Le Ny, qui réalise là son deuxième long-métrage après Ceux qui restent, s'aventure sur un terrain miné. Celui de l'imaginaire et de la représentation de l'immigrant et de l'étranger sur notre territoire. Alors que le débat houleux de l'identité nationale commence à se calmer, la réalisatrice se tente à exposer les visions de ce problème (l'immigration est un phénomène-fléau majeur depuis quelques siècles déjà). Elle organise sa petite invitation sans réellement y prendre parti, puisque ces personnages ont chacun des opinions bien construites. C'est justement là que le spectateur est invité à prendre son parti et à peser le pour et le contre.

On retrouve ainsi un père seul, résistant par le passé, et grand militant dans l'âme. Alors qu'il s'occupe d'une association d'aide pour les étrangers, il décide d'héberger des sans-papiers, dans le but d'espérer une régularisation. Et voici que débarque une femme moldave et sa fille. L'acte militant est pour le coup plus beau à voir qu'un autre, comme le souligne avec humour le personnage de Fabrice Luchini, un nouveau riche qui s'est construit tout seul. Alors certes, on pourra dire que l'image de l'étranger est un peu facile, cette moldave n'est pas non dans une situation horrible comme d'autres films ont pu le montrer (Welcome par exemple). Mais ici, il ne s'agit pas de s'attarder sur le cas de Tatiana et de sa fille, mais plutôt de voir comment la famille va réagir à cette arrivée et bien sûr aux évènements qui s'en suivent, offrant alors un vrai bric à brac.

La question est très simple dans le fond, mais il est très difficile d'y trouver une réponse claire : doit-on venir en aide à ce genre de sans-papier ou préserver le cocon familial, évitant ainsi tout débordement ou exagérations. Est-ce de l'égoïsme ou du protectionnisme, un esprit de famille ou un bienfait humain ? Les questions sont multiples, et on se rend compte au fil du film qu'il est difficile d'y répondre. Le scénario met donc intelligemment en place la situation, les dialogues et les répliques sont simples et percutantes.

Puis il y a les acteurs, et dont principalement un sans qui le film perdrait considérablement en qualité. Fabrice Luchini, cet énergumène intellectuel, se retrouve trop facilement dans le rôle de ce fils qui ne sait plus trop où ses valeurs. Il s'impose par son franc-parler, son charisme, ses mimiques, en somme il a la classe ! Drôle et touchant à la fois, il donne de la grandeur et du poids à son personnage, une pièce maîtresse du film. Du coup il relègue au second plan Karin Viard (qui reste sobre mais drôle à ses heures), Michel Aumont (le fameux père militant) et Valérie Benguigui (la femme d'Arnaud, que l'on voit peu).

Il y a de fortes chances que les invités de ce père là plaisent au public, tant par la simplicité du discours que par l'humour assez tranchant qui navigue sans difficulté dans ce film. Un coup de chapeau à Fabrice Luchini, sans qui le film ne serait clairement pas le même.

NOTE : 14 / 20