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[INTERVIEW] Sara Forestier.

Rencontre avec l'actrice Sara Forestier, à l'affiche du dernier film de Michel Leclerc, Le Nom des gens, en salles le 24 novembre.

 

Raconte-nous ta genèse du Nom des gens, comment es-tu arrivée à jouer ce rôle de Bahia ?

Je suis arrivé sur le projet alors que Jacques Gamblin jouait déjà le rôle d'Arthur Martin. Michel Leclerc, j'avais déjà vu son premier film qui avait un ton très proche de Woody Allen, même si je ne le connaissais pas. Lorsque mon agent m'en a parlé, je lui ai dit « ah je connais! », c'est ce genre de film avec un ton particulier différent des autres comédies françaises, frais. Je m'attendais à quelque chose en lisant le scénario, qui était extraordinaire. J'ai pas arrêté de me marrer en le lisant, ce qui n'est pas facile pourtant, et en tournant les pages, on enchaîne les phases drôles. J'ai été emballé tout de suite. Je crois que c'est le meilleur scénario que j'ai lu. Le film parlait de choses contemporaines, sur les obsessions nationales d'aujourd'hui, les peurs, l'identité, les principes de précautions, les virus. Et puis en même temps, il y a toute une partie qui me fait penser à Woody Allen, avec le côté névrosé des personnages.

 

Ta rencontre avec Michel Leclerc?

Pendant le casting puisque c'est lui qui me donnait la réplique. Je suis arrivée avec des répliques, j'avais envie de montrer que j'appréciais la chose. Après la première scène, j'étais prise pour le film.

 

Et il t'as fait joué sur quoi ?

Sur le cahier où je présente mes conquêtes de mecs de droite que j'ai réussie à convertir (sourires).

 

Qu'est ça te fait de jouer dans un film qui part d'une histoire personnelle réelle, celle de la rencontre encore Michel Leclerc et Baya Kasmi ?

Ca me plaît dans le cinéma, ce côté sincère. Le fait qu'il s'inspire de faits autobiographiques, ça lui permet de parler de choses plus vraies. J'ai pu reconnaître dans l'histoire des gens que je connaissais de ma famille, par exemple le père qui n'ose pas assumer sa fibre artistique, cette timidité que tout le monde peut comprendre au final. Il y a des personnages complexes, mais bien détaillés. Michel assumait complètement cela, et du coup ça apporte quelque chose de concret.

 

Comment as-tu ressenti le personnage de Bahia ?

A la lecture elle me faisait rire et je la trouvais touchante.

 

Parce que derrière son côté provoquant et décalé, elle est plutôt sérieuse ?

Elle a un côté débordant, au point de s'engager aussi dans son corps. Elle a quelque chose de l'héroine moderne. Michel avait envie de mettre une soixante-huitarde idéaliste.

 

Un peu comme sa mère ?

Oui c'est ça ! Elle fait l'amour et pas la guerre, elle fait la guerre en faisant l'amour. Elle trimballe des idéaux et c'est pour ça qu'elle peut s'engager autant. Ca donnait un truc anachronique et on aime ce personnage qui avec son côté débordant amène des maladresses et de la folie, il fallait la rendre humaine. Elle est maladroite quand elle oublie de s'habiller et finit à poil dans la rue. Elle essaye de faire bien mais elle finit par faire des bourdes aussi.

 

Ca n'a pas été trop dur de jouer une femme souvent nue ou provocatrice ?

Je pense pas qu'elle soit provocatrice au fond. Elle n'est jamais dans le volontarisme, quant elle est nue, elle ne le fait pas exprès. Elle est impulsive, à l'image de la première scène de la radio où on voit sa robe qui glisse laissant entrevoir son soutien-gorge. Son corps a vécu un traumatisme dans l'enfance, et adulte elle utilise son corps comme un objet politique. Elle a un rapport complexe à son corps, et le rapport devait aussi être inconscient d'où les scènes de nues où on voit un sein qui se dévoile par exemple. Je ne vois pas tout ça comme une difficulté, mais plutôt comme une création. C'est quelque chose qui se travaille, ça a démarré avec les costumes de Bayia.

 

C'est une femme engagée au niveau politique, comment es-tu située par rapport à elle ? Est-ce que tu as donné un peu de toi politiquement parlant ?

Quand je fais un film c'est l'histoire qui compte avant le personnage. Il faut les deux, parce qu'une bonne histoire avec un personnage qui me donne pas trop envie de l'interpréter, ça ne m'intéresse. Les sujets sociaux qu'elle aborde me touchent beaucoup. Quant on ressort du film, il nous reste quelque chose sur une ouverture du côté de la vie, c'est un film ouvert qui nous donne envie de vivre, vivre aux côtés des autres. Ca me parlait beaucoup, c'est assez libérateur sur des exemples comme le devoir de Mémoire ou les principes de précaution. Moi je suis très différente du personnage derrière, elle est très engagée politiquement alors que moi je n'ai pas une culture politique très poussée, elle vit complètement son engagement politique au quotidien. Moi je le vis à travers mon art, mes convictions se retrouvent dans mes films. Son personnage est quand même différent du mien.

 

Si tes convictions se retrouvent dans tes films, tu interprètes ici une femme orientée bien à gauche...

C'est d'abord l'histoire qui m'intéresse et qui véhicule des visions auxquelles je me reconnais. Si je ne cautionnais pas ces visions, je ne ferais pas le film. La vision que Michel a, elle me parle.

 

Le film parle beaucoup des clichés, quel est celui que tu utiliserais le plus souvent ?

Ce que j'aime dans le film c'est qu'il part de cliché pour s'en éloigner, il les déjoue. On pourrait croire que c'est une fille de gauche qui couche avec des mecs de droite pour les convertir, elle croise Arthur Martin croyant qu'il est de droite et qu'ils vont vivre une belle romance. Mais non, c'est déjoué à chaque fois, il est jospiniste. On pourrait croire qu'elle est une victime du racisme de par les origines de son père et en fait non elle culpabilise de ça d'ailleurs. Se baser sur les idées reçues en quelque sorte, tout en sachant qu'elles peuvent être déjouées.

 

Tu as été victime des clichés ? Par exemple avec le nom ?

Oui, on m'appelait bûcheron quand j'étais plus petite ou bien fromage parce que j'étais la seule dans mon groupe d'ami à avoir un nom franchouillard. Mais je n'ai pas été blessé par ça, parce qu'un acteur doit être capable de supporter une image qu'on lui colle.

 

Ton expérience aux côtés de Jacques Gamblin?

C'est un super type, je l'adore en tant que comédien. Il a une grande pudeur, il rend ses personnages touchants sans être larmoyant. Il a un coté lunaire, un clown blanc, et dans son jeu il est excellent. Il adorait autant que moi le scénario, il était impliqué dans le film. Le travail avec lui était très bon, car c'est quelqu'un de bosseur. Il a de l'expérience en comédie, il arrive à avoir le recul pour savoir si la scène était bonne ou pas, un truc que j'arrive pas à faire.

 

Tu as beaucoup évolué depuis L'esquive d'Abdellatif Kechiche, où est-ce que tu te situerais ?

J'aime bien varier un peu les genres de films, mais là en ce moment je me sens bien dans la comédie. J'ai l'impression d'être à l'aise à l'intérieur, j'aime la pudeur et le recul naturel de ce genre. Mes trois court-métrages sont des comédies par exemple.

 

Tu as vu la Vénus Noire j'imagine, et Yahima Torres est la nouvelle révélation de Kechiche, tu en as pensé quoi ?

J'ai adoré, elle est extraordinaire. Elle fait une moue avec sa bouche, il y a un mutisme et tout est là-dedans du début jusqu'à la fin du film. C'est un travail d'actrice difficile à tenir sur la longueur, une performance incroyable.

 

Un César à décrocher... comme toi ?

Elle le mériterait amplement. Et même celui de l'actrice.

 

Tes projets futurs ?

Je vais faire le prochain film de Michel Leclerc dont le titre est en train d'être fixé, c'est le seul projet donc je peux vraiment parler.


-- LA CRITIQUE DU FILM --



Le Nom des gens Bande Annonce du film
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24/11/2010
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