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Le Ruban Blanc mérite t-il la Palme d'Or ?

La Palme d'Or Cannoise a fait du bruit cette année : Michael Haneke primé avec Le Ruban Blanc, et Isabelle Huppert présidente du jury. Implacable pour certains, contesté pour d'autres, Haneke méritait-il la Palme ?

 

L'action se situe dans un village protestant allemand du début des années 1910, à la veille de la Première Guerre Mondiale qui va durement toucher l'Europe. Dans ce village, toute une société typique allant du Baron aux paysans en passant par le régisseur du domaine, l'instituteur ou le médecin. Mais c'est aussi le théâtre d'évènements étranges qui poussent à imaginer un rituel punitif, avec un rôle central pour des enfants. Qui peut bien se cacher derrière tous ces étranges accidents ?

 

Tout démarre dans un silence de générique, la voix-off de l'ex-instituteur racontant les évènements qui se déroulent dans son village. D'étranges accidents commencent dès l'accident du médecin, qui chute de son cheval à cause d'un fil invisible tendu, mais tout de suite retiré. Le mystère ne sera pas élucidé. Et d'autres accidents tout aussi étranges surviennent : la mort d'une paysanne dans une scierie, le kidnapping de Sigi, fils du Baron, saccage du potager du Baron lors de la fête de la moisson ou encore sévices corporels sur un petit handicapé. Mais un mystère plane, et c'est au spectateur de se faire sa propre opinion.

 

 

 

Là où le talent de Michael Haneke se ressent, c'est dans sa façon de retranscrire une société victime de ses propres contradictions et qui montre la rigidité de son instruction. Il est aussi très fort pour nous faire ressentir cette violence palpable, quasi invisible à l'écran, et pourtant psychologiquement si forte. Là où il pêche c'est un scénario peu convaincant, qui manquerait presque de conviction, au moment où il aurait pu faire preuve de plus de simplicité. C'est une société en apparence simple, où nul ne doit transgresser les interdits, dirigée par un Baron, mais qui se complexifie à l'intérieur avec des relations sociales très tendues, la remise en question de l'éducation et l'émergence d'une génération différente. Mais c'est au final une société bourrée de transgressions à l'image de ce médecin qui va jusque commettre l'inceste avec sa propre fille.

 

A quoi tient cette Palme ? Au sujet traité, difficile, à en juger la qualité du film ? A cette originalité qui nous vient du noir et blanc qui renforce l'aspect historique mais aussi la sincérité d'une époque ou du sujet traité ? Ou de l'image de ces têtes blondes visiblement assez perverses pour faire douter le spectateur ? A la sortie du film, on se demande encore pourquoi la Palme était entre les mains de Haneke il y a quelques mois de cela, la faute à un final peu clair qui laisse le spectateur sur sa propre opinion, ou alors complètement perdu sans trop savoir pourquoi. Il retient la brutalité, les défauts d'une société qui se veut trop parfaite, mais bourrée de vices à l'image des enfants, une société en proie aux changements et aux doutes alors que François-Ferdinand vient d'être assassiner à Sarajevo, marquant l'entrée dans une nouvelle ère pour l'Europe.

 

 

On retiendra aussi la droiture et la prestation des acteurs, aussi bien les enfants, troublants, efficaces et néanmoins très silencieux, mais aussi les adultes, que ce soit ce pasteur Burghart Klaussner, absolument dérangeant et fascinant (vu dans The Reader, de Stephen Daldry) ou encore Josef Bierbichler (Le meurtrier de Bienvenue à Cadavre-les-Bains). On sent un ton froid tout au long du film, dans la façon de filmer, dans l'utilisation de la lumière, où l'on peut avoir à la fois une sensation d'explosivité comme de froideur. Michael Haneke aura su au moins heurter son spectateur qui ne ressort pas indifférent de ce film, mais pas forcément conquis. Looking for Eric (Ken Loach), Les Etreintes Brisées (Pedro Almodovar), ou Un Prophète (Jacques Audiard) auraient peut-être mérité mieux…

 

A défaut d'être réellement convaincant, grâce à un génie de la caméra, une mise en scène efficace et un style indéniable, Haneke dépeint une société qui se voudrait parfaite mais bourrée de vices et de brutalités, à l'image de ses enfants, et rafle donc la Palme d'Or 2009 à Cannes.

NOTE: 13/20

 



21/10/2009
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